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Eglise Saint-Vigor

L’Association pour la Restauration et la Sauvegarde du Patrimoine Bricquais (ARSPB) a été créé le 26 février 2016.

Daniel Hélye, président de cette association publie un document sur Saint-Vigor patron de l'église de Bricqueville-sur-mer.

 

SAINT-VIGOR, Évêque de Bayeux.

Saint patron de l’église de Bricqueville-sur-Mer

La VITA VIGORIS.

            La vie de Saint-Vigor connue sous le nom de Vita Sancti Vigoris Episcopi aurait été écrite au VIIIe siècle, vers 750-775 soit près de deux siècles et demi après sa mort qui intervint selon les sources, au mois de novembre 537 où 538. Le nom de son hagiographe nous est totalement inconnu. Le récit de la vie de Saint-Vigor comme celle de beaucoup d’autres personnages qui vécurent entre le IVe et le VIIe siècle donna lieu à de nombreuses discussions. Certains auteurs comme Baillet conjecture que la vie de saint-Vigor ne fut pas écrite avant le IXe siècle. Il conteste vivement la véracité de cette « Vita » qu’il considère comme apocryphe. L’abbé Hénocque, auteur d’une biographie sur l’abbaye de Saint-Riquier, a une vision plus élargie sur la question de la propagation du culte de la Vie des Saints et Saintes aux VIIIe et IXe siècles. Selon lui, chercher à fixer l’époque de la rédaction de la vie de saint-Vigor parait impossible. Il pense cependant, que la Vita Sancti Vigoris est antérieur à la translation des reliques de Saint-Vigor à Saint-Riquier lors des invasions scandinaves du IXe siècle.

Entre le scepticisme de Baillet et l’attitude plus nuancée de l’abbé Hénocque, il existe une troisième catégorie d’auteur qui n’hésite pas à fabriquer des généalogies pour argumenter leurs allégations. C’est le cas du père Malbrancq qui n’a garde d’omettre une généalogie de Saint-Vigor ; Il lui donne pour père Vagon, fils de Mauriane, épouse en premières noces de Ragnacaire, Roi de Cambrai et en secondes noces d’Aimeri, Comte de Boulogne. La lignée aristocratique de Saint-Vigor se trouve par lui totalement confirmée, sans la moindre justification.

Il existe plusieurs manuscrits sur la vie de Saint-Vigor. Le plus ancien est certainement celui qui est conservé aujourd’hui aux Archives de Dijon. Connus sous le nom de Manuscrits de Citeaux, ils datent pour une bonne partie d’entre-eux des XIIe et XIIIe siècles. Ces compilations de manuscrits anciens sont une source très importante, mais reste malgré tout un travail de copiste. Si la légende de Saint-Vigor reproduite par tous les auteurs, ne jouit pas de l’autorité des récits historiques contemporains du moins elle ne peut être rejetée comme tout à fait apocryphe quand on considère la puissance avec laquelle le nom de saint-Vigor s’est emparé de l’esprit des populations du diocèse de Bayeux.              

Le Diocèse de Coutances est beaucoup moins imprégné du culte de saint-Vigor puisque seulement cinq paroisses lui sont dédiées dont Bricqueville-Sur-Mer, paroisse située sur la côte ouest du Cotentin, Joganville dans le doyenné de Montebourg, Quettehou, chef lieu de doyenné, Carolles et Champeaux situées toutes les deux dans le doyenné de Sartilly.                

Que la vie de Saint-Vigor fut écrite au VIIIe où au IXe siècle, cela n’a au fond, guère d’importance pour nous, puisque qu’elle est notre seule et unique source d’information.

Les siècles qui s’écoulèrent entre la mort de Vigor en 537-38 et le récit de son panégyriste nous amènent à une certaine réserve sur quelques passages de cette Vita.

L’auteur de la vie de Saint-Vigor retrace les grandes périodes de sa vie et des miracles qu’il fit au cours de ses pérégrinations et sur lesquels nous ne reviendrons pas.

Si nous ignorons le nom de l’auteur de la vie de Saint-Vigor, nous ne sommes pas mieux renseignés sur le lieu où elle fut écrite, s’agit-il d’un monastère où une abbaye de la région de Bayeux ou de Cerisy, rien n’est moins certain. Saint-Vigor mourut deux ans avant Saint-Vaast, Évêque d’Arras, lequel décéda en 540. Il ne fait aucun doute que la mort de son élève et disciple arriva jusqu’à lui. Cela ne justifie pas pour autant que les premiers écrits sur la vie de Saint-Vigor puissent avoir pour origine le nord de la France mais l’intérêt tout particulier qu’Ingenard, abbé de Centule porte aux reliques du saint, démontre qu’il avait une grande connaissance de la vie de Saint-Vigor qui était lui-même originaire de cette contrée.

LA JEUNESSE ET L’ADOLESCENCE DE SAINT-VIGOR.

Pour marquer l’époque, l’auteur dit que Saint Vigor naquit sous le règne de CHILDEBERT Ier roi des Francs, « Temporibus Childeberti   illustris regis Francorum » dans l’ABRATENCIS PROVINCIA, l’actuelle région d’Arras. Les historiens s’accordent pour reconnaitre que Vigor naquit vers 480. Nous pensons que l’erreur sur le nom du roi régnant à l’époque de la naissance de saint-Vigor est due à une question de date et d’interprétation.                                                                                           

A la mort de Mérovée vers 456-457, son fils Childéric Ier lui succède comme roi des Francs Saliens. Il épouse Basine, Reine des Thuringiens et eut quatre enfants, trois filles et un fils, Clovis. Childéric est un général romain, il prend la maitrise d’une province romaine appelée la Belgique seconde qui comprend : Le nord de la France, l’ouest de l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et le sud de la Hollande. A la mort de Childéric Ier en 481, son fils Clovis devint roi des Francs. Il régnera jusqu’en 511.                                                                                         Childebert Fils de Clovis et de Clotilde, ne commença son règne qu’après la mort de son père intervenue en 511. Il sera roi jusqu’en 558 sous le titre de Childebert Ier roi des Francs. C’est donc à la fin du règne de Childéric Ier et non sous règne de Childebert Ier que Saint-Vigor vit le jour.

Fils d’une riche famille de l’aristocratie Gallo-Romaine, convertie au catholicisme depuis longtemps, Vigor suivit un cursus scolaire comparable à tous ceux de son rang et que l’on destinait à des charges ou des fonctions importantes dans le civil, la politique, la magistrature. Ses parents n’avaient nullement l’intention de le voir embrasser la voie de la religion, ils avaient d’autres ambitions pour lui. Comme ils étaient eux même chrétiens, ils n’eurent d’autre choix que de laisser Vigor choisir sa voie. Nous ignorons s’il était fils unique ou non, rien dans les textes ne fait une quelconque référence à d’autres membres de sa famille hormis son père et sa mère. Il naquit à une période troublée par des conflits armés incessants. Il est un témoin oculaire de la chute de l’empire romain et des évènements qui s’en suivirent.

Saint-Vigor disciple de Saint-Vaast.

La vie de Saint-Vigor est intiment liée à celle de son maître spirituel, Saint-Vaast, futur évêque d’Arras dont il fut l’élève pendant plusieurs années avant que celui-ci n’accède aux fonctions épiscopales.

Originaire des limites du Limousin et du Périgord St. Vaast arriva semble t’il dans la région d’Arras vers 485-495 déjà auréolé d’une grande piété. Il fût nommé au tout nouvel évêché d’Arras créé par Saint-Rémi en 499 avec l’approbation de Clovis.

Saint Vaast est un personnage proche de Clovis. Il l’accompagne dans plusieurs de ses voyages. A la demande de la reine Clotilde qui est catholique, Il devient son catéchiste et sera parmi les évêques présents lors de son baptême par Saint-Rémi en 496. Nous ignorons si Vigor qui avait à cette date environ 17 ans assista lui aussi à cette cérémonie.

Quoi qu’il en soit, Saint-Vigor est témoin de ce profond bouleversement et cela influa sans doute encore plus sur son choix de prêcher la religion catholique. Il quitta sans doute la région d’Arras à la mort de ses parents puisqu’il distribua aux pauvres, si l’on en croit la Vita, tout ce qu’il pouvait avoir. Nous n’avons aucune date précise sur son départ de la maison familiale mais tout porte à croire, qu’il eut lieu au début du règne de Childebert Ier vers 511. Lorsqu’il part de sa province d’Arras, Vigor n’a pas de destination clairement définie, il part à l’aventure. « Or ce saint avait le désir d’une pérégrination. Il ne savait où aller. Un signe de Dieu, dont l’esprit opère tout comme il veut l’inspira. Il s’en alla vers les parties de l’occident afin que là où le couchant se contemple apparût le soleil de justice, pour que, les erreurs et les ténèbres du vice une fois chassées, se levât la vraie lumière dans le cœur des croyants. »

Vigor passa par un village qui s’appelait Reviers et s’y installa quelque temps. Il y construisit un oratoire.

Il reprit sa route vers l’ouest et arriva à Cerisy à la prière d’un homme riche de la région nommé Volusien. Celui-ci le remercia d’avoir libéré la région d’une bête monstrueuse, « lui donna le pays qu’on appelle Cirisiacus, dont le circuit est d’à peu près de trente cinq milles. » Dès qu’il fut mis en possession de ce territoire Vigor y construisit une abbaye dédiée à Notre Dame. On accorde à Saint-Vigor d’autres miracles dans la région de Bayeux, Cheux et Cambremer.

Saint-Contest, évêque de Bayeux mourut vers 510-512. Le siège épiscopal resta semble t’il vacant quelques temps. « Alors tout le collège des Clercs, s’associant à la masse du peuple, demanda, d’un accord unanime, au Roi Childebert que Saint-Vigor devint pontife.» « Avec l’assentiment de Dieu et la faveur de nombreux pontifes il fut ordonné évêque. »

L’autorité du roi Chilpéric Ier s’étendait déjà au début du VIe siècle sur la partie la plus occidentale du royaume. Le roi avait le pouvoir de nommer les évêques, l’avis des autres prélats n’étant que consultatif. Vigor ne sera jamais transféré dans un autre diocèse. Il resta évêque de Bayeux entre 25 et 27 ans. Il mourut vers 537-538 à environ 58 ans si l’on accepte la date de l’an 480 qui est donnée comme étant celle de sa naissance. « Le Bienheureux mourut, vieux et pleins de jours aux calendes de Novembre, (le Ier Novembre) dans la crainte et la foi de Jésus-Christ notre seigneur. »

Martyrologium Romanum : témpore Kalendis Novembris. Bajôcis sancti Vigôris Episcopi Childebérti Francôrum Regis.

La translation des reliques de Saint-Vigor au IXe siècle.

Au IXe siècle un clerc de Bayeux nommé Avitien matriculaire de la cathédrale de Bayeux voulut soustraire les précieuses reliques de Saint-Vigor aux profanations des Normands. Il emporta avec lui les ossements et comme le petit poucet il en sema partout sur son passage. Il se dirigea vers le nord de la France. Il donna, mais plus probablement il vendit, aux églises et aux cathédrales qu’il visitait, des fragments d’os. La Cathédrale d’Arras bénéficia de ses bontés, non désintéressées.

Le simoniaque se rendit à Centule, l’actuelle abbaye de Saint-Riquier. Il vendit les reliques à Ingelard, abbé de Centule, où elles sont toujours vénérées avec ferveurs. Les textes ne disent pas combien le clerc toucha pour son commerce mais seulement qu’il en obtint une somme substantielle. A Centule, Saint-Vigor est considéré comme le protecteur contre les incendies

Saint-Vigor et Bricqueville-Sur-Mer.

A une époque où le commerce des reliques était florissant bien que proscrit par l’église, il n’est pas improbable qu’un personnage influent de la région puisse avoir bénéficié d’un tel privilège. La dédicace d’une église à un saint n’est pas obligatoirement liée à la possession de reliques.  Cependant, la faible quantité de paroisses (5) placées sous le vocable de saint-Vigor dans le diocèse de Coutances rend cette hypothèse plausible.

Les documents qui nous sont parvenus de l’ancienne fabrique de Bricqueville-sur-Mer sont muets sur le sujet. Les conférences ecclésiastiques du milieu du XIXe siècle ne nous apportent aucun renseignement non plus puisqu’ils se limitent à une chronologie des curés et à quelques détails sur l’état général de l’église mais n’abordent pas l’organisation interne de l’église ni son mobilier, sacré ou non. Que sont devenues les reliques qui étaient jadis dans les deux reliquaires situés de part et d’autre de l’autel majeur. Nous l’ignorons. Peut-être ont-elles été sauvées par des gens du pays pour éviter la profanation lors de la Révolution, ce serait un moindre mal.

Bibliographie.

René de Lespinasse.                                                                                                        Bibliothèque de l’école des chartes 1910 (T.71). 1924 (T. 85)

Guimann : Cartulaire de l’abbaye d’Arras. Publication : Chanoine Evan Drival. 1875  

Lucien Merlet : Cartulaire de l’abbaye de Tiron ; T.2

Martyrologium Romanum. Edit. M.D.CC.LXXI.      

Don Henri Quentin: Les martyrologues   historiques du Moyen-âge : Etude sur la formation du Martyrologue Romain. 1908 P.33. KL.NOV. IPSO DIE, NATALE SANCTI VIGORIS.

Auguste Longnon : Géographie des Gaules au VIe siècle. Edit. Hachette 1897.

Don Gaston Aubourg : La VitaVigoris. Pub. Mémoires de la Sté des Antiquaires de Normandie. T. LVII (1963-1964) T. LVIII (1965-1966)

Archives de la ville de Dijon Mss. de Citeaux 639.

Hénocque, abbé : Histoire de l’abbaye et de la ville de Saint-Riquier. Amiens 1888.    

                                                                                                 D. Hélye A.R.S.P.B.                                              

 

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